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Beaubourg
 

par Thibault Desbordes
 

Écrit sur le parvis du centre culturel Georges Pompidou.
À Nicolas Dax.


Un grand chatoiement simple, où bulles et musiques
Se mêlent à l’instinct d’une brève seconde.
Vibrants dans l’air uni par leur magie féconde,
Les corps sont revêtus de rondeurs amnésiques.

Les pigeons noirs et blancs sont comme autant de poules
Qui piochent le pavé par leur preste cadence,
Quand un éclat de rire, en cette rumeur saoûle,
Donne corps à l’envol qui respire et qui danse.

Paris est un poème où Beaubourg est la chute ;
Sa place est sur ma feuille – n’en déplaise à la butte !
Quand ma peine inlassable embrumera mes dires,

Je me libèrerai, loin des grands rejets tristes,
Assis sur l’Esplanade où viendra m’étourdir
Le résonnement sourd de mille pieds artistes !

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Armatures de songes
 

par Francis Etienne Sicard
 

Dans un prisme de sable aux arêtes sans âge
Un saphir de soleil serti d’un fil de chair
Brise en éclats le ciel d’où s’effrite un éclair
Dont la bouche de feu vient mourir sur la plage.

La pyramide en grain d’une dune au mouillage
Coule le long des mains comme un ruisseau dans l’air
Et couvre de sa soie une étoile au teint clair
Que l’horizon câlin rouille à son babillage.

Sous un tulle de glace un souffle de sel pur
Caresse la rondeur d’une larme d’azur
Et fuit sous le frisson d’une plume de lune.

Un vitrail de silice enflamme le désert
Puis l’ombre d’un calice au silence disert
Passe comme un instant sous un dais de fortune.

 

 

Francis Etienne Sicard, Lettres de soie rouge, 2011

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Sonnet triste pour lui

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par Soulyne MacAdam

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C’était une nuit brune en mon âme ouatée ;

À la lueur d’un tchaï, que je l’aimais, si doux !

Le mauvais œil vaincu, je compris le vaudou

Pour repousser le mal d’une vie emmoitée.

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Demain nous serons rois de l’ivre fantaisie,

Attends-moi sous les lys, domine tes humeurs,

Nous chanterons le vice et bleuirons les fleurs

D’un alcool odorant poudré de tanaisie.

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J’ai perdu ton reflet dans l’œil de la boisson,

L’amarante a fané, comme fond le glaçon,

Je l’avais mis au col d’une robe frivole.

​

Ton reflet s’est perdu dans la soif, le désir

D’un brouillard éternel où ne saurait choisir

La femme au cœur meurtri par l’oiseau qui s’envole.

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Entre chats et nous !

​

par Annie Poirier

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Les chats

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Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires.

 

Charles Baudelaire

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Mais à quoi bon trembler devant tous ces mystères
Qui jalonnent ma vie au gré de leurs humeurs !
Je garderai ma place entre les bons rimeurs,
Les amoureux fervents et les savants austères !

 

Quand le silence effraie un moment ma raison,
C’est que je n’entends plus chanter les hirondelles ;
Et pourtant je sais bien que les couples fidèles
Aiment également, dans leur mûre saison !

 

Qu’importe désormais ce modeste horizon,
Tant que nous sommes deux, partageons notre ivresse !
Écoutons ronronner sous une autre caresse,

Les chats puissants et doux, orgueil de la maison !

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Adorables félins, voyageurs solitaires,
Ils comprennent sitôt que tout leur est permis,
Choisissent leur espace et même nos amis
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires !

 

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Eclipse

​

par Annie Poirier

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La nuit durant le jour, quel est ce phénomène ?
Se demandent sans doute et le chat et l’oiseau !
L’un s’envole du coup dans les bras d’un roseau
Quand l’autre à pas feutrés retourne à son domaine !

 

Ah que vive le monde où la science humaine
Sait mesurer le temps, la longueur d’un fuseau !
Si l’animal d’instinct camoufle son museau,
L’homme doit accepter que l’Univers le mène !

 

Lorsque l’astre d’argent éclipse l’astre d’or,
Chacun suspend son souffle aux ailes d’un condor
Dont l’ombre disparaît au plus fort de sa course…

 

Magique est cet instant pour celui qui sait voir,
Plus loin que son nombril, l’immatériel pouvoir
Qui le pousse à lever les yeux vers la Grande Ourse !

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