François Debuiche
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À rebours de l’époque, on a charmé pour toi
Qui veut bien m’écouter, un serpent à sonnet.
Il erre dans la nuit, à l’ombre de mon toit,
Pour quérir sa pâture. Aidé d’un bâtonnet
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En guise de flûtiau, je lui chante mon vers
Qui l’endort un moment, jugeant la sérénade
Soporifique à souhait pour tiédir les hivers
Où il se trouve seul. Puis, à la dérobade,
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On lui jette un caillou, pour de faux et il siffle
Tel qu’un chat irrité mauvaisement te souffle
Si pour t’être distrait, tu lui tirais la queue.
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Le journal de chez toi voudrait-il l’accueillir ?
Dans un vivarium, je l’ai mis à vieillir ;
Mais pour le cuisiner, il faut un maître-queux !
Il raidit ses anneaux, ondulant tout exprès
Pour voir dans le miroir ces tercets de plus près.
Il a beau tain, c’est vrai, et comme le bottin,
Il est intelligent, ce qui ne gâte rien !
En ses reflets changeants, il mire un os, un chien
Et tout un tas de mots dans un fou baratin.
C’est à contre-courant qu’aux tonneaux étonnés,
Il aspire le vin qu’un poète amateur
Lui donne à siroter. Les tombeaux surannés
De sa décrépitude ignorent la vigueur
Des poèmes du jour, tous morts d’épilepsie.
Sa poésie vieillotte est un défi au temps
Qui veut que, morcelé, haché menu d’autant,
Le propos libre fuse, écourté par la scie !